Cheminées de l’Algarve

A Porches, cette cheminée deux fois centenaire court le risque de disparaître lors de la rénovation de cette maison, propriété de l’Église catholique locale. Photo Luís Forra/Lusa.
Depuis près de vingt ans, Abel Silva parcourt l’Algarve avec ses appareils photo à la recherche de cheminées dans des maisons abandonnées. Photo Luís Forra/Lusa.
Abel Silva montre avec fierté l'une de ses nombreuses photos de cheminées de l'Algarve. Photo Luís Forra/Lusa.
Dans toute la région de l’Algarve, subsistent encore beaucoup de cheminées traditionnelles, certaines ont plus de 200 ans, mais il reste énormément de travail à faire pour protéger l’un des symboles de l’architecture populaire régionale.

En forme de cylindre, rectangle, carré ou en prisme, les cheminées algarvias artisanales font partie du patrimoine architectural de la région. Certaines structures remontent au XVIIIe siècle et s’affirment comme des objets esthétiquement riches, souvent en contraste avec la simplicité des habitations.

Il y a dix-huit ans qu’Abel Silva parcourt l’Algarve avec ses appareils photo à la recherche de cheminées dans des maisons abandonnées. De Sagres à Vila Real de Santo António, il en a répertorié plus d’un millier qui risquent de s’écrouler et de certains exemplaires il ne subsistent plus que des clichés.

« Je m’intéresse plus particulièrement aux cheminées qui sont en voie de disparition et qui, tôt ou tard, vont tomber comme beaucoup d’entre elles », a expliqué à l’agence Lusa ce résident d’Albufeira, âgé de 70 ans.

Parmi les 1 200 cheminées algarvias qu’il a photographiées et géoréférencées, le nombre des disparues dépasse de loin celui des restaurées.

Au moment du passage de la photographie analogique au digital, Abel Silva est retourné sur les lieux où il avait pris ses premiers clichés : « à certains endroits, il n’y avait plus de cheminée ».

Pour Abel Silva, c’est la partie centrale de la région – notamment les municipalités de Loulé, Faro, Albufeira et Silves – qui présente « les plus élaborées ».

Dans une région où pullulent les cheminées préfabriquées, Abel Silva s’intéresse essentiellement aux constructions artisanales, de formes variées, « d’autant qu’il n’y en a pas deux identiques ».

« Il faut faire un recensement qui n’existe pas officiellement. Au niveau personnel, il y a beaucoup de monde qui photographie les cheminées », mais l’Algarve, notamment les entités publiques, « ont oublié les cheminées », constate Abel Silva, rappelant que la chaminé algarvia a cessé d’être le symbole de la Région de Tourisme de l’Algarve.

Pour Filipe Palma, 45 ans, photographe à Portimão, un relevé exhaustif de l’architecture populaire algarvienne – de laquelle font partie les cheminées – présente un caractère d’urgence.

« Ce que je cherche à photographier ce sont des éléments différenciés du sentir et du vivre de la région. Ces éléments souffrent une érosion quotidienne et il est urgent de les photographier. Même si ce n’est que pour conserver un relevé visuel », ajoute le photographe qui s’intéresse au propos depuis une vingtaine d’années. « Peut-être un huitième [des cheminées] a déjà disparu » parce qu’il n’y a pas de « reconnaissance » ni de « tendresse propre de la population » pour son architecture populaire, qui a été détruite progressivement pour « mettre tout au goût du tourisme ».

Selon Filipe Palma, bien qu’il y ait aujourd’hui « un peu plus de conscience », elle se situe « à un niveau très bas ». Les études publiées sur ce thème ne sortent pas de la sphère académique.

Pour le photographe de Portimão, l’urgence avec laquelle il photographie devrait être présente dans la protection et la sauvegarde du patrimoine, construit par une « école d’anciens maîtres » qui créaient « des objets uniques ». Maintenant, il n’y a pratiquement plus personne qui sache construire des cheminées à la main – un travail qui pouvait prendre des jours ou des semaines.

Pour l’instant Abel Silva et Filipe Palma continuent de photographier les derniers témoins « encore tangibles, encore palpables » de cet Algarve « très riche qui existait », pour montrer que la région « n’est pas que du ciment et des milliers de cheminées toutes identiques ».

Reportage de João Gaspar (texte) et Luís Forra (photos)/Lusa.