José Vieira filme l'immigration portugaise depuis une trentaine d'années. |
Chronique de la renaissance d'un village. A La Roche-Blanche, peu de temps après l'arrivée des familles portugaises, dans les années soixante. Photo extraite des archives de Fátima da Rocha. |
Les émigrés. C'est un village où tout le monde ou presque est parti à la recherche d'une vie meilleure... |
Le Printemps de l'Exil dresse le portrait de trois réfugiés politiques portugais, à Paris, en mai 68, et retournés au Portugal après la chute de la dictature. |
Dans Le drôle de mai, un homme évoque ses souvenirs des bidonvilles, les années de boue. |
Le pays où l'on ne revient jamais présente le mythique retour au pays comme une nouvelle émigration. |
Les gens du salto réunit dans un coffret DVD plusieurs films, dont La photo déchirée, qui évoque la vague d'émigration des années soixante. |
Depuis une trentaine d'années José Vieira se consacre à l'immigration/émigration portugaise, sur laquelle il porte un regard plein de tendresse. Mais il ne s'agit pas ici de documentaires contemplatifs filmés de l'extérieur, mais d'une analyse particulièrement fine de situations qu'il a vécues lui-même enfant, étant arrivé en France avec ses parents à l'époque des bidonvilles. Né au Portugal en 1957, José Vieira arrive en France dans les années 60. Depuis 1985 il a réalisé une trentaine de documentaires notamment pour France 2, France 3, la Cinquième et Arte. Il s'est intéressé à la question de l'émigration-immigration dans plusieurs films, où il évoque l'exode de ces émigrés portugais qui ont quitté leur pays pour venir travailler en France dans les années 60. Mais José Vieira n'est pas focalisé exclusivement sur le cas portugais, il est également sensible à l'exode d'autres populations qui connaissent des situations identiques de nos jours et notamment les Roms. En 2010, il réalise Le bateau en carton, un documentaire dans lequel il filme un groupe de Roms pendant plus d'un an, dans ses déplacements forcés en France et en Roumanie. Filmographie Chronique de la renaissance d'un village, documentaire, 2013, 83' Ce documentaire, tourné dans le Puy-de-Dôme, raconte le parcours de familles portugaises qui se sont installées à partir des années 60 dans les anciens villages vignerons, notamment à La Roche-Blanche. "Autrefois, le pays des immigrés se trouvait là-bas. Maintenant, il est ici. Le pays des immigrés se situe là où les gens se sentent chez eux. Là-bas, dans le village qu'ils ont quitté, ils incarnent désormais l'absence. Ici, ils ont trouvé de quoi se faire une vie et ils sont restés. Leur présence a sauvé le village de la ruine. Ici, c'est la Roche Blanche, un village tout près de Clermont-Ferrand. En 1968, à l'école communale, il y avait 67 % d'enfants d'immigrés pour la plupart de parents portugais. De mémoire d'Auvergnats, on n'avait jamais vu ça. Après-guerre, les anciens villages vignerons autour de Clermont-Ferrand étaient encombrés de ruines. Les immigrés, d'abord Italiens et Espagnols puis Portugais, trouvèrent là de quoi se loger à bon marché. Les uns rebâtirent sur les décombres, d'autres restaurèrent d'anciennes maisons de vignerons. Quelques-uns achetèrent des lopins de terre et des petits vignobles. Les anthropologues disent que ces immigrés en quête d'un monde meilleur, trouvèrent là une possibilité de réinventer le monde paysan qu'ils venaient de quitter. Mais les chemins qui mènent à une vie meilleure sont bien plus tortueux qu'on ne l'imagine..." José Vieira. Les émigrés, documentaire, 2009, 75' C'est un village où tout le monde ou presque est parti à la recherche d'une vie meilleure. Au centre du patelin, beaucoup de maisons s'écroulent alors qu'à la périphérie ont fleuri de grandes bâtisses aux volets fermés. Beaucoup de ceux qui s'étaient promis de revenir sont revenus sur leur promesse. C'est un village habité par l'absence et peuplé d'émigrés. Dans ce petit village de montagne, on croise des gens qui, partis pour se débarrasser de la misère, ont refusé de se plier aux servitudes de l'immigration. Leur engagement dans la main-d'œuvre étrangère a été de courte durée. Pour comprendre l'émigration ce qu'ils disent est essentiel. Leurs histoires prouvent la brutalité que les autres ont dû affronter. Le printemps de l'exil, documentaire, 2009, 52' Le Printemps de l'exil est un portrait croisé de trois hommes exilés à Paris, qui ont participé activement au mouvement de mai 68 qu'ils ont vécu comme un moment crucial dans la lutte contre la dictature de Salazar et contre la guerre coloniale en Afrique. Six itinéraires individuels de résistants qui se sont connus à Paris et qui, à travers le récit de leur implication dans les événements de mai 68, racontent le destin collectif d'un pays occupé pendant 48 ans par le fascisme. Dans les archives de la PIDE, la toute-puissante police politique portugaise, nous retrouvons les noms de nos trois hommes : José Mario Branco, Vasco de Castro, Fernando Pereira Marques. Dans les archives françaises, nous retrouvons les traces de leur combat. Ils sont tous revenus à Lisbonne après la chute de la dictature. Ils sont chanteur, dessinateur et professeur. Leurs oeuvres témoignent du combat qu'ils ont mené pour la liberté. Le drôle de mai, documentaire, 2008, 52' Chronique d'un bidonville en mai 68, le film s'articule autour du récit d'un homme en quête de l'histoire des immigrés portugais pris dans la tourmente des événements. Partant de ses souvenirs, se confrontant aux récits des autres et aux images d'époque, il tente ainsi de construire une mémoire collective des années de boue. "Aux premiers beaux jours, le bidonville devenait comme un village. Quand le printemps revenait, la boue commençait à sécher. Le dimanche, il y avait des bals, les familles se retrouvaient. Il flottait dans l'air un parfum de nostalgie encore toute fraîche. Mais au printemps 68, vers la mi-mai, l'air devint soudain irrespirable. L'atmosphère s'empoisonna des rumeurs les plus folles et des peurs les plus irrationnelles. Qui étions-nous pour avoir si peur des événements de mai ? D'où sortaient ces étrangers inquiets qui se crevaient à la tâche pour revenir au plus vite au pays qu'ils avaient fui. Qui étaient ces paysans portugais qui n'avaient que le rêve immense de sortir de la misère ? D'où venait cette main d'oeuvre étrangère qui construisait des villes et qui habitait des baraques devant des murailles de tours et d'immeubles ? Quelle était la vie de ces immigrés embourbés dans les premières années de l'immigration ?" Le pays où l'on ne revient jamais, documentaire, 2005, 52' C'est l'histoire d'immigrés rentrés dans leur pays après un long exil. Le pays où l'on ne revient jamais, c'est le pays de son enfance, de sa jeunesse, que l'on a quitté et où l'on a imaginé retourner un jour. Et lorsque le jour du retour arrive, s'il arrive un jour, il ne s'agit plus de revenir mais de repartir, de s'arracher. Le pays où l'on ne revient jamais c'est ici le Portugal, mais ça pourrait être la Turquie, l'Algérie, le Mali ou le Chili. D'où que l'on vienne, où que l'on aille, on n'émigre jamais impunément. Les gens du Salto, 2005, coffret DVD autour du film La Photo Déchirée, comprenant 6 films de 13' à 40', des témoignages et des archives. Parmi les films du DVD : Les chants du déserteur, documentaire, 26' ; Seixas, Paris, Londres, documentaire, 40' ; O salto, c'est un mot qui porte en lui l'histoire des émigrés portugais qui sont partis, sans papiers, vers le nord de l'Europe dans les années 60. O salto, en français ça veut dire Le saut. Mais il y a des mots qui, traduits, n'évoquent plus rien et ne rendent plus compte de l'histoire qui les a forgés. O salto, c'était l'émigration clandestine, le grand saut par dessus les frontières, des milliers et des milliers de Portugais fuyant le Portugal de Salazar. C'est un mot qui n'existe pas dans le dictionnaire portugais avec cette définition. O salto, c'était des villages entiers qui se vidaient dans le secret et la peur. Des séparations et des ruptures brutales. C'était le voyage du silence. Un acte de résistance et de désobéissance où certains ont laissé leur vie. Parfois la police tirait comme sur des prisonniers en cavale. C'était une évasion en attendant l'amnistie : le retour au pays. Pour la plupart des fugitifs, ce fut un départ définitif du Portugal. La photo déchirée, documentaire, 2001, 53' Les années 60. Le Portugal vit sous l'emprise d'une dictature obscurantiste, s'isole et s'enlise dans des guerres coloniales. Par dizaines de milliers, fuyant la misère, le service militaire et la répression salazariste, des hommes et des femmes fuient alors clandestinement le pays. Après la traversée des frontières espagnoles et françaises au péril de leur vie, en barque, à pied à travers la montagne ou cachés dans des camions, beaucoup débarquent gare d'Austerlitz à Paris. 9 sur 10 sont sans-papiers. La photo déchirée, entre souvenirs d'enfance, témoignages d'immigrés et images d'archives, dresse la chronique de cette émigration clandestine. La double vie des Rodrigues, documentaire, 1995, 26' Portrait d'une famille dans sa relation à la terre natale. "Vous, les Rodrigues, vous êtes une drôle de famille. Vous me faites penser aux personnages d'une chanson. C'est peut-être votre attachement à ce petit village perdu dans les montagnes du Nord du Portugal. Pourtant, ça fait trente ans que vous l'avez quitté. Mais vous semblez vous moquer du temps. C'est vrai que la chanson disait : Qu'importe les jours, les années Ils avaient tous l'âme bien née Noueuse comme un pied de vigne... Ce film, réalisé pour une soirée Thema sur Arte, a été édité en DVD avec le film Le pays où l'on ne revient jamais, avec en bonus Week-end en Tosmanie (1985) et Fado-Blues (1987). Week-end en Tosmanie, reportage fiction, 1985, 26' Enquête sur une communauté enfermée dans le mythe du retour. "Les descendants des conquistadores, qui autrefois régnèrent du Brésil à Macao, furent arrachés une fois de plus à leurs terres ingrates. Ils échangèrent leur épée pour un marteau-piqueur et leur glorieux casque de guerrier pour celui du chantier. C'est dans cet exil qu'ils élevèrent la Tosmanie. Un grand village presque imaginaire où les Portugais se retrouvent pour mettre en scène ce que furent leur identité et leur pays. La Tosmanie, le pays des Tos, existe partout et nulle part." Fado-Blues, documentaire, 1987, 20' Récit d'une traversée du pays de l'enfance. "Ici, j'observe, je m'émerveille, je parle et je n'écoute pas, comme un enfant. Parfois, j'ai l'air d'un gosse privé de télé à l'heure du dessin animé. Surtout au village, dans ce bled paumé où il n'y a pas de gare, même pas un flipper. Je m'éternise ici quelques jours. Tous les ans, je reviens puis je m'éloigne très vite (...). J'ose à peine imaginer qu'un jour, je viendrai ici uniquement pour visiter un cimetière." |