L'école de Sagres n'a jamais existé

Por Mares Nunca Dantes Navigados, de Fábio Pestana Ramos.
Portrait d'Henri le Navigateur (détail d'un tableau de Nuno Gonçalves, panneaux de São Vicente de Fora, XVe, Lisbonne).
L'école de navigation de Sagres n'a jamais existé, il s'agit d'un mythe construit par la ferveur nationaliste de l'historiographie portugaise de la période romantique du XIXe siècle.
 
Cette thèse est défendue par l'historien brésilien Fábio Pestana Ramos, dans son dernier ouvrage Por Mares Nunca Dantes Navegados, qui a demandé deux années de recherches dans diverses bibliothèques portugaises et brésiliennes.
 
"Il n'y a pas de preuve factuelle, comme des vestiges archéologiques ou des documents originaux, qui puissent prouver l'existence d'une école à Sagres", a déclaré à l'Agência Lusa l'historien, petit-fils de Portugais de l'île de Madère.
 
Pestana Ramos a ajouté que les citations sur l'école de Sagres, prétendument créée par l'Infant Henri pour développer des technologies nautiques, sont basées à peine sur une source anglaise.
 
"En vérité, les citations se basent sur une unique carte d'un pirate anglais qui a mentionné quelques constructions à Sagres à l'époque, rien concernant l'existence d'une école de navigation".
 
Au XIXe siècle, l'historien portugais Oliveira Martins aurait utilisé l'existence de Sagres "dans la construction romantique d'une identité portugaise qui incluait un ample domaine de technologies nautiques".
 
"De fait, il y a eu à peine l'introduction de certaines disciplines nautiques à l'Université de Lisbonne par l'Infant Henri", continue Pestana Ramos.
 
La thèse de l'inexistence de Sagres a déjà aussi été défendue par l'historien brésilien Thomaz Marcondes de Souza, en 1953, et par le Portugais Luís de Albuquerque, en 1990.
 
Le livre de l'historien brésilien, dont la date du lancement au Portugal n'a pas encore été fixée, aborde l'aventure des voyages, la motivation des Portugais, la vie difficile au cours des traversées et l'arrivée en Afrique, en Inde ou au Brésil.
 
Tempêtes, calmes plats et naufrages créaient des enfers à bord, avec une lutte désespérée pour la survie, alors que le débarquement en terres inconnues représentait aussi un grand danger.
 
L'historien a déclaré qu'il était habituel d'utiliser des enfants à bord des navires, en raison du manque de main d'oeuvre adulte, y compris pour les travaux les plus difficiles.
 
Comme elles étaient synonymes de mauvais augure, les femmes embarquaient habillées en homme, ce qui n'évitait pas les viols, souvent collectifs.
 
"Une femme à bord était souvent un facteur de tension, un motif de grand dérangement, au sein d'un équipage majoritairement masculin, c'est peut-être pour cette raison qu'elle était considérée comme symbole de malheur".
 
Les femmes violées collectivement par un groupe de matelots étaient considérées coupables de crime d'incitation et incarcérées dans des prostibules [lieux de prostitution], dès leur débarquement au Brésil.
 
"Pour cette raison, beaucoup de femmes violées collectivement préféraient ne pas dénoncer le fait pour ne pas courir le risque de passer le reste de leur vie enfermées dans un prostibule", a-t-il ajouté.
 
La majorité des embarqués satisfaisait ses désirs sexuels avec d'autres hommes, dans des relations consommées par la force ou par la hiérarchie, qui obligeait les plus humbles à satisfaire les volontés des supérieurs.
 
L'historien soutient également une thèse contraire à l'historiographie traditionnelle : le Brésil n'était pas vu comme un "paradis, terre d'opportunités" par les Portugais.
 
"Le Brésil était considéré comme un enfer, un purgatoire, où étaient envoyés les exclus de la société portugaise, comme les prostituées, les tziganes et les serfs en fuite".
 
La vision d'un Brésil paradisiaque fait aussi partie de la construction historique d'une identité brésilienne, dans un processus semblable à celui qui a représenté le mythe de l'Ecole de Sagres pour le Portugal.
 
Etant considéré comme un véritable purgatoire, les Portugais nés au Brésil étaient victimes de nombreux préjugés lors de leur retour au Portugal, surtout aux XVIe et XVIIe siècles.
 
"On les traitait de reinol, une espèce de citoyen de seconde classe, ce qui n'était pas le cas pour les Portugais qui naissaient en Afrique, par exemple", a poursuivi Pestana Ramos.
 
Beaucoup de marins parvenaient à échapper aux naufrages et s'installaient parmi les natifs, au début de la colonisation brésilienne, malgré les maladies tropicales ou le bicho-de-pé [la puce chique - Tunga penetrans], l'une des plus grandes préoccupations des Portugais.
 
Pestana Ramos conteste également la découverte du Brésil par Pedro Álvares Cabral, en 1500, à partir de documents de l'époque.
 
"A mon avis il existe de grandes possibilités que le Brésil ait été découvert par Bartolomeu Dias ou par un autre navigateur portugais, entre 1488 et 1497. Ce fut une époque d'intense découverte de routes maritimes, qui ne pouvaient pas être révélées pour ne pas tomber dans les mains des Anglais ou des Espagnols", conclut l'historien.